

Singulière et plurielle, la culture berbère très ancienne est aussi l’une des plus méconnues et menacées d’Afrique du Nord.
Les Imazighen* occupent un vaste territoire allant de la Mauritanie jusqu’à l’oasis de Siwa en Égypte, incluant le Maroc et l’Algérie. Ces deux pays abritent la plus grande partie de la population Amazigh qui forme une entité autochtone : ils sont Touaregs, Rifains, Kabyles, Chleuhs, Chaouis. Malgré des différences selon les pays, ils se rassemblent autour de valeurs communes : une organisation sociale démocratique, un lien indéfectible à la terre, le sens de la communauté, le rapport au sacré, l’hospitalité et bien sûr la volonté de préserver leur langue et leurs particularités culturelles. Ne s’inscrivant pas dans la logique des États-nations, nomades ou sédentaires, musulmans, chrétiens ou juifs, les Imazighen et leur culture sont suspectés d’hérésie par les gouvernements nord-africains. Souvent opprimés, dispersés, voire persécutés, ils tentent de résister à l’acculturation et à la tyrannie exercée par les gouvernants. Leurs traditions sont un moyen d’ancrage face aux menaces de déracinement et d’anéantissement. Les Imazighen revendiquent haut et fort la culture et la langue amazhig et il s’agit bien là d’un acte de résistance contre l’assimilation et l’oubli.
* Les Imazighen (Amazigh au singulier) – qui signifie homme libre – est le nom originel du terme occidental berbère.
L’auteur remercie le Fotografie Forum Frankfurt et plus particulièrement Celina Lunsford et Esra Klein.
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Photographe algérien, membre de l’Agence VU’ depuis 2014, basé à Francfort (Allemagne).
Né en 1976 en Kabylie (Algérie), Ferhat Bouda grandit à Bouzeguen (Tizi-Ouzou). En 1994, « la grève du cartable » lancée par le Mouvement Culturel Berbère (MCB) le pousse à s’investir pour la reconnaissance de l’identité berbère.Ferhat Bouda explore alors différentes voies pour la documenter et en partager les spécificités : le théâtre et la musique d’abord, puis le cinéma, qui le conduit à s’installer à France en 2000, et enfin la photographie, qui se révèle être parfaitement adaptée à sa sensibilité et à son engagement, et à laquelle il décide de se former à Paris. Ferhat Bouda engage alors un travail au long cours sur la culture berbère et les peuples nomades ; une enquête photographique qu’il développe aussi bien en France et en Allemagne (où il s’installe en 2005), qu’en Algérie, au Maroc, en Libye aux côtés des rebelles berbères, en Tunisie après la chute de Ben Ali, ou encore au nord du Mali avec les Touaregs.
S’attachant aux regards, aux attitudes et aux gens, aussi bien dans leur quotidien que dans des situations conflictuelles, Ferhat Bouda s’inscrit dans une tradition de la photographie documentaire, et témoigne avec respect de situations complexes souvent difficiles à approcher ou, trop souvent, dissimulées sous des clichés et des stéréotypes. Lauréat de la bourse Pierre et Alexandra Boulat en 2016, du prix et de la bourse de la photographie de l’Académie des Arts de Berlin en 2020, son travail est régulièrement publié dans la presse internationale, exposé en Algérie, en Allemagne, en France, et présenté lors de festivals de photographie documentaire.